Les autres philosophes | Philosophie pour enfants ou adultes: Carnet

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de vie, de lectures et de pensées

In media vita. – Non ! La vie ne m'a pas déçu ! Année après année, je la trouve au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse,

Nietzsche, Le Gai Savoir, 4, § 324
Lire, et méditer surtout. Parce que la lecture en elle-même c'est… pas grand chose. C'est un point de départ, mais c'est surtout… l'assimilation qu'on en fait…, qui compte. C'est surtout… l'usage qu'on en fait, le profit, la maturation, et puis ce qu'il en sort.

Le secret de toute la méthode consiste à regarder avec soin en toutes choses ce qu'il y a de plus absolu.

Descartes, VIᵉ des Règles utiles et claires pour la direction de l'esprit en la recherche de la vérité
Si l’on compare entre elles les définitions de la métaphysique et les conceptions de l’absolu, on s’aperçoit que les philosophes s’accordent, en dépit de leur divergences apparentes, à distinguer deux manières profondément différentes de connaître une chose. La première implique qu’on tourne autour de cette chose ; la seconde, qu’on entre en elle. La première dépend du point de vue où l’on se place et des symboles par lesquels on s’exprime. La seconde ne se prend d’aucun point de vue et ne s’appuie sur aucun symbole. De la première connaissance on dira qu’elle s’arrête au relatif ; de la seconde, là où elle est possible, qu’elle atteint l’absolu.
[…]
Il suit de là qu’un absolu ne saurait être donné que dans une intuition, tandis que tout le reste relève de l’analyse. Nous appelons ici intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquence d’inexprimable. Au contraire, l’analyse est l’opération qui ramène l’objet à des éléments déjà connus, c’est-à-dire communs à cet objet et à d’autres.

Henri Bergson, Introduction à la métaphysique
Les forces qui travaillent en toutes choses, nous les sentons en nous ; quelle que soit l'essence intime de ce qui est et de ce qui se fait, nous en sommes. Descendons alors à l'intérieur de nous-mêmes : plus profond sera le point que nous aurons touché, plus forte sera la poussée qui nous renverra à la surface. L'intuition philosophique est ce contact, la philosophie est cet élan.

Henri Bergson, L'intuition philosophique
On dit parfois, avec irritation ou avec un brin de satisfaction, que la philosophie ne fait aucun progrès. C'est certainement vrai, mais je pense que le fait que la philosophie doit toujours, en un sens, s'efforcer de reprendre les choses à la base n'est pas un accident regrettable, mais un trait qui appartient à la structure de la discipline. Or l'entreprise n'est pas des plus faciles. Il y a en philosophie un double mouvement : l'un qui progresse vers la construction de théories élaborées, et un autre qui revient sans cesse à la considération de faits simples et évidents. Par exemple, McTaggart déclare que le temps n'existe pas, et Moore lui répond qu'il vient de prendre son petit-déjeuner. Philosopher requiert l'un et l'autre mouvement.

Iris Murdoch, La souveraineté du Bien,
L'idée de perfection
, p. 15
Le philosophe se retourne […] Il est bien évident que chacun a dû se retourner d'une façon qui lui a été propre. Mais il me paraît clair, aussi, que tous ces retours partent de l'objet pour s'élever à la condition a priori de l'objet, cette condition étant pour Platon les Idées, pour Descartes le « Je pense » et Dieu, et pour Kant les catégories.

après avoir eu une histoire, après avoir opéré un certain retour, le philosophe élève son histoire à l'essence. Je suis même d'avis que toute vraie philosophie est une histoire élevée à l'essence : c'est pour cela qu'elle est à la fois personnelle et universelle. […] Philosopher, c'est élever à l'essence sa propre histoire, étant bien entendu que « sa propre histoire » signifie ici l'histoire de son esprit.

Certes, la méthode de ces philosophes diffère, mais le mouvement par lequel ils vont vers leur but est semblable, car, précisément, et c'est surtout cela que j'ai voulu établir, les philosophes ne vont vers aucun monde. L'autre vers lequel ils vont n'est pas un monde. Et je crois que toutes les erreurs que nous avons passées en revue se résument à celle-ci : on attend toujours qu’après nous avoir délivrés d’un monde, les philosophes nous en donnent un autre. En cela, nous sommes encore victimes du prestige de l’objet et de l’erreur du système. Les philosophes, en montrant que le monde ne contient pas ses propres conditions, vont vers un être qui n’est pas un monde.

[…] Pour conclure, je dirai que, ce qui nous empêche de comprendre les philosophes, c'est l'ignorance où nous sommes souvent de ce qu'est la philosophie. Mais j'ajouterai que, pour comprendre la philosophie, il faut comprendre les philosophes. La philosophie n'est pas la science, elle n'est pas un système, où un ensemble de systèmes, elle est une démarche, et une démarche n’a de sens que parce qu’une personne effectue cette démarche. […] La démarche philosophique, c’est celle de l’esprit lui-même, et c’est pourquoi elle est toujours à refaire : car l’esprit a toujours à se sauver.
[…] On ne peut comprendre un philosophe sans devenir soi-même un philosophe, sans se faire, à travers l’histoire et malgré l’histoire, le semblable des philosophes, sans retrouver cette éternité qui est celle de la Philosophie.

Ferdinand Alquié,
Qu'est-ce que comprendre un philosophe ?

Pour déterminer en quelle mesure un philosophe s'est défait de tout préjugé, il importe donc de se souvenir qu'il est des préjugés négatifs : si l'immédiat apparaît comme l'envers de ce dont la conscience du philosophe a d'abord été prisonnière, il dépend d'une histoire individuelle, il doit son prestige à ce dont, en fait, il a libéré celui qui l'invoque, il est médiatisé, et n'est donc plus immédiat.

Ferdinand Alquié, Descartes et l'immédiat
Qui dit « histoire du discours véridique » dit aussi méthode récurrente. […] Au sens où les transformations successives de ce discours véridique produisent sans cesse les refontes de leur propre histoire ; ce qui était longtemps resté impasse devient un jour issue ; un essai latéral devient un problème central autour duquel tous les autres se mettent à graviter ; une démarche légèrement divergente devient une rupture fondamentale […] En somme l'histoire des discontinuités n'est pas acquise une fois pour toutes, elle est « impermanente » par elle-même, elle est discontinue ; elle doit sans cesse être reprise à nouveaux frais.

Michel Foucault, La vie : l'expérience et la science

Si nous voulons aller à la rencontre de la pensée d'un penseur, nous devons agrandir encore ce qu'il y a de grand en elle.

Martin Heidegger, Qu'appelle-t-on penser ?
Étudier est un exercice de la vertu tout autant que du talent ; il est l'attestation d'une de ces expériences fondamentales par où la vertu est en étroite corrélation avec le monde réel. […]
Dans les disciplines intellectuelles, comme dans l'enchantement procuré par l'art ou par la nature, c'est par notre capacité à nous oublier nous-mêmes, à être réalistes et à percevoir les choses avec justesse que nous faisons la découverte de la valeur. Notre imagination ne s'y emploie pas à fuir le monde, mais à le retrouver, et c'est ce qui nous exalte, étant donné la distance séparant une appréhension du réel de l'engourdissement de notre conscience quotidienne.

Iris Murdoch, La souveraineté du Bien,
La souveraineté du Bien sur les autres concepts
,
p. 161-2

Le mal n'est rien.

Thomas d'Aquin, Questions disputées sur le mal
L'être est le néant.

Hegel, Science de la Logique

Sans la raison nous ne sommes que folie.

Cicéron, Paradoxa Stoicorum
la partie de l'esprit qui aide le plus aux Mathématiques, à savoir l'imagination, nuit plus qu'elle ne sert aux spéculations métaphysiques.

Descartes, lettre à Mersenne, 13 novembre 1639

Dernières lectures :
Blaise Pascal
Michel Foucault, Le courage de la vérité, Cours au Collège de France. 1984
Stéphane Madelrieux, Philosophie des expériences radicales
Robert Harrison, Forêts. Promenade dans notre imaginaire
Iris Murdoch, La souveraineté du Bien
Stefan Zweig, Nietzsche
Ferdinand Alquié, Qu'est-ce que comprendre un philosophe ?
Id., Notes sur l'interprétation de Descartes par l'ordre des raisons
Id., Descartes et l'immédiat
Knox Peden, Descartes, Spinoza, and the impasse of french philosophy: Ferdinand Alquié versus Martial Gueroult

Lectures actuelles :
Barbara Stiegler, Nietzsche et la critique de la chair. Dionysos, Ariane, le Christ
Ferdinand Alquié, L'ordre cartésien


Dualité de l'« expérience » dans la philosophie moderne
Erfahrung et Erlebnis

Dualité de l'« expérience » dans la philosophie moderne :
expérience d'objets (Erfahrung) et expérience vivante (Erlebnis)
Erfahrung Erlebnis, Erleben
deux réalités de l'idée : objective et formelle

deux réalités objectives de l'idée : infini/fini

deux sens cartésiens du corporel
« ce mot de corps est fort équivoque » (à Mesland, 9.2.1645)

deux ordres cartésiens :
ordre logique des raisons (Gueroult)
et
ordre temporel, vivant, métaphysique, de la pensée (Alquié)
question des sens de “l'a priori“
et “du transcendantal“

deux méthodes de démonstration :
par l'analyse ou résolution ; par la synthèse ou composition

deux substances : pensante et étendue

deux “ontologies” cartésiennes :
ens ut cogitatum et ens ut causatum (Marion)
ens ut demonstratum et ens ut potentia (Gress)
L'idée de l'infini

réalité formelle de l'idée

Méditations métaphysiques
comme expérience spirituelle vivante,
en-deçà et au-delà de l'ordre des raisons

res cogitans, id est mens, sive animus, sive intellectus, sive ratio.

doute hyperbolique
Penser, à la folie


La découverte métaphysique de l'homme (deux sens du génitif)
insistant toujours sur le dépassement de la pensée par l'être (Alquié)

Union de l'âme et du corps
Divertissement (de penser) ou ennui

trois espèces de la concupiscence ou cupidité :
libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi

trois ordres :
des corps ;
de la pensée et de l'esprit ;
de la charité, du cœur et de l'amour
Pascal, l'inquiétante vérité métaphysique

Qu'est-ce qu'un homme, dans les deux infinis opposés ?
(par l'espace et par la pensée)
l’infinité en petitesse
l'effroi

grandeur et misère

la grâce

« Quelle chimère est-ce donc que l'homme, quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige »

“cartésien et anticartésien“
Spinoza de Gueroult (savoir/connaître)
Knox Peden, Spinoza contra Phenomenology: French Rationalism from Cavaillès to Deleuze
Harry Austryn Woflson (1934)
Alquié, Le rationalisme de Spinoza
Spinoza de Deleuze
Rovere, Le Clan Spinoza
Moreau, Spinoza : L'expérience et l'éternité
Crise métaphysique
de la représentation (Vorstellung) ;
du jugement (Urteil)
Trois Critiques

Problème de “la synthèse”
de “la sensibilité” et de “l'entendement”

Triple synthèse temporelle (“l'art caché”) :
“synthèse de l'appréhension dans l'intuition”
“synthèse de la reproduction dans l'imagination”
“synthèse de la recognition”

Que signifie “Kant” ?

En quel sens Kant est-il “tragique” ?

Table du néant
. Bolzano
Hegel. Critique de la représentation Logique de la contradiction
Logique de l'infini
Le Monde comme représentation Le Monde comme volonté (vouloir vivre)
l'amour comme charité et ἔρως
Crise métaphysique du nihilisme

Apollon : Condition apollinienne de la vie


Lumière, clarté, solaire, visibilité, beauté
figure, forme, limitation. Surface
artifice
Art
« le monde lui-même est tout entier art »
les créateurs

art plastique/art tragique
âge plastique, âge tragique, âge socratique
contresens de Nietzsche sur Socrate

Que signifie “Descartes” pour Nietzsche ?
Que signifie ”Descartes” ?

rappel d'Apollon contre la dissolution romantique dans le dionysiaque d'origine chrétienne
Dionysos : Condition dionysiaque de la vie

fond
chair comme sensation de soi, ivresse
passion (πάθος) vitale, interprété comme souffrance
de la surabondance (Über-fülle) de fécondité vitale,
de l'excitation
souffrance de la contradiction
Surhumain (Über-mensch)

premier concept de la chair : l'incorporation (Einverleibung)
a) l'amour du lointain : du passé et de l'avenir
chair vivante interprétée comme mémoire
b) incorporation comme nutrition,
c) nutrition comme assimilation, rendre identique à soi (mais b) et c) est-ce juste ?)

« l'animal le plus courageux, le plus cruel envers lui-même, le plus souffrant »
les trois dangers, “humain, trop humain”

rappel de Dionysos contre l'excès d'apollinisme d'origine métaphysique

lire Luce Irigaray, Amante marine. De Friedrich Nietzsche
Bergson. Critique du « temps » impur
Critique de Kant
« Temps » moderne
Durée vivante
Mémoire
Vie
Husserl. Crise métaphysique des sciences européennes Phénoménologie transcendantale
monde-de-la-vie (Lebenswelt), chair (Leib)
. Sartre de Merleau-Ponty (Le visible et l'invisible)
Sartre de Beauvoir (La cérémonie des adieux)
Sartre, un rationaliste romantique (Murdoch)
“existentialisme”
Pensée objective Chair
“philosophie française du savoir, de la rationalité et du concept” :
Cavaillès, Bachelard, Koyré, Canguilhem
Poincaré, Couturat, Comte
(Foucault, La vie : expérience et science)
Histoire des sciences française, épistémologie historique
et historiographie philosophique française :

Brunschvicg, Gueroult au CdF (vs Alquié, Sorbonne), Goldschmidt, Vuillemin
Marion (Alquié)

Hadot

Gilson,
Vignaux, Alain de Libera
“philosophie française de l'expérience, du sens, du sujet” :
Sartre/Merleau-Ponty
Bergson, Lachelier, Maine de Biran
(Foucault, La vie : expérience et science)

Alquié, Deleuze (portraitiste) élève d'Alquié, et de Gueroult

Canguilhem : la vieille question du normal et du pathologique
(déjà dans Bergson, Nietzsche, Merleau)

Stéphane Madelrieux, Philosophie des expériences radicales
autre tradition analytique Metaphysical Animals (Le Quartet d'Oxford)
Carnet de notes, en cours

Kant, Nietzsche : Crise métaphysique. Deux critiques et deux moments critiques de la crise métaphysique.
Problème “kantien” (antique problème de l'un et du multiple) de “la synthèse”, repris par Nietzsche :
Comment la diversité du flux (“la sensibilité”) et l'unité du concept (“l'entendement”) peuvent-elles s'unir (“l'expérience” vivante) par-delà leur opposition ?
Kant : “Esthétique” au sens transcendantal. Synthèse “esthétique” par la beauté et le sublime.
“Esthétique” nietzschéenne comme critique et généalogie de l'histoire (passée, présente et à venir) du sentir (αἴσθησις), histoire du vivant en tant que sensible : problème de “la synthèse” entre condition dionysiaque de la vie et condition apollinienne de la vie.
Vie du problème métaphysique de la vie – non pas seulement de la connaissance – en termes (d'interprétations) de sens et (d'évaluations) de valeurs morales. Le problème critique devient : questionner la valeur des valeurs morales, l'évaluation dont procèdent leur valeur, donc le problème de leur création. (Deleuze, Nietzsche et la philosophie, p. 2)

Qu'en dit la lecture de Nietzsche par Deleuze ? par Dixsaut ?

Antique problème de l'un et du multiple (avant Aristote) :
Ch. Dunan, L'un, le multiple et leurs rapports
Hervé Pasqua, L'Être comme πολλά chez Platon : Les enseignements du Parménide et du Sophiste
Jacques Rolland de Renéville, Essai sur le problème de l'un-multiple et de l'attribution chez Platon et les Sophistes
M. J. Cresswell, Is There One or Are There Many One and Many Problems in Plato?
Interprétations néokantiennes de Platon : Bauch, Cohen, Hönigswald, Lask, Lotze, Natorp, Windelband, Sur la théorie platonicienne des Idées

Kant, Hegel et l'"expérience" de l'empirisme anglo-écossais (Bacon, Newton, Locke, Berkeley, Hume) :
Antoine Grandjean, Critique et réflexion : Essai sur le discours kantien (2009). Recension : Archéologie du kantisme
Antoine Grandjean, Métaphysiques de l’expérience : Empirisme et philosophie transcendantale selon Kant (2022). Recension : L’invention de Kant
Olivier Tinland, Le grand principe de l’expérience : Hegel et la philosophie anglaise (2024). Recension : L’empirisme selon Hegel
(sans oublier les platoniciens de Cambridge. Ernst Cassirer, The Platonic Renaissance in England)

Kant inventeur de "l'empirisme"
"L'empirisme anglais comme route vers le scepticisme"
"empirisme vs rationalisme"
science(s) expérimentale(s) et science philosophique
La "raison". "Tournant facultatif ou spirituel (ou réflexif ?) de la Logique", dès la scolastique française du XVIIᵉ s. (Jacob Schmutz, mai 2018, CdF)




Descartes, en première personne

À chaque pas, entre Descartes et toi, il y a de l’historiographie philosophique interposée. Il faut une méditation cartésienne de Descartes. Ce qui veut dire une méditation qui ait le cran, une fois en sa vie, de révoquer en doute toute historiographie philosophique interposée entre Descartes et soi-même. C’est ça, ou bien se contenter d’un personnage “Descartes” tout fait que l’on fait se déplacer en troisième personne sur les cases et les positions d’une carte philosophique prédéterminée. Or c’est le contraire de ce qu’est Descartes se faisant, et de l’esprit cartésien. Descartes va jusqu’à cet endroit et cet âge où il faut choisir entre l’historiographie philosophique, aussi grande et incontournable soit-elle, et la philosophie elle-même, en première personne. Et il a le cran d’aller du côté droit. Il est impossible de le suivre là où il va ensuite sans aller soi-même du côté droit.


Portrait de René Descartes (détail), gravure de Jonas Suyderhoef d'après Frans Hals, 1657–1675. Source : Rijksmuseum, Amsterdam. Sur le portrait de Frans Hals et son histoire : Le philosophe, le prêtre et le peintre : Portrait de Descartes au Siècle d'or, par Steven Nadler


La longue dispute Alquié/Gueroult (1950–1981) et l'historiographie philosophique française
Étienne Gilson, La liberté chez Descartes et la théologie (1913)
Id., Commentaire historique du Discours de la méthode (1925)
Id., Études sur le rôle de la pensée médiévale dans la formation du système cartésien (1930) ✔︎
Id., Index scolastico-cartésien (1959)
Ferdinand Alquié, La découverte métaphysique de l'homme chez Descartes (1950)
Id., Descartes et l'immédiat (1950) ✔︎
Id., L'ordre cartésien (1951) ✔︎
Martial Gueroult, Descartes selon l'ordre des raisons. t. 1 : L'âme et Dieu. ✔︎ t. 2 : L'âme et le corps (1953)
Ferdinand Alquié, Notes sur l'interprétation de Descartes par l'ordre des raisons (1956) ✔︎
Id., Qu'est-ce que comprendre un philosophe ? (1956) ✔︎
Descartes, Royaumont 1955
Id., Une lecture cartésienne de la Critique de la raison pure est-elle possible ? (1975)
Id., Solitude de la Raison
Knox Peden, Descartes, Spinoza, and the impasse of French Philosophy: Ferdinand Alquié versus Martial Gueroult ✔︎
Id., Spinoza contra Phenomenology: French Rationalism from Cavaillès to Deleuze
Giuseppe Bianco, Philosophie et histoire de la philosophie pendant les années 1950 : le cas du jeune Gilles Deleuze
Id., La technologie philosophique de Martial Gueroult selon Louis Lavelle
Adrien Baillet, La Vie de Monsieur Descartes (1691)
Geneviève Rodis-Lewis, La morale de Descartes (1998)
Denis Kambouchner, Descartes et la philosophie morale (2008)
Jacqueline Lagrée, Juste Lipse : la restauration du stoïcisme
Id., Le néostoïcisme

Ernst Cassirer, Descartes : Doctrine – Personnalité – Influence (1995)
André Robinet, Aux sources de l'esprit cartésien. L'axe La Ramée–Descartes. De la Dialectique de 1555 aux Regulae (1996)
André Robinet, Descartes. La lumière naturelle. Intuition, disposition, complexion (1999)
François Azouvi, Descartes et la France. Histoire d'une passion nationale (2002)
André Hirt, Le poème de la raison : Descartes (2006)
Fichant et Marion (éd), Descartes en Kant (2006)
Marion, Descartes : état de la question (2007)
Thibaut Gress, Descartes et la précarité du monde. Essai sur les ontologies cartésiennes (2012). Relire de près
Marion, Sur la pensée passive de Descartes (2013). Relire de près
Id., Sur le prisme métaphysique de Descartes (1986). Relire de près
Id. (éd. Dan Arbib), Les Méditations métaphysiques, Objections et Réponses de Descartes : Un commentaire (2019)
Questions cartésiennes III : Descartes sous le masque du cartésianisme (2021)
Denis Kambouchner, Identification d'une pensée : le Cogito de Hintikka (2009) ✔︎
« Il y a deux ordres cartésiens. Le premier est celui du Temps, le second celui du Système […]
C'est donc en replaçant l'ordre systématique vers lequel tend la pensée cartésienne dans l'ordre temporel où elle se développe que nous suivrons Descartes, et serons fidèles à ses leçons. […]
La leçon de Descartes est qu'on ne peut séparer la compréhension de sa philosophie de l'attention aux démarches par lesquelles il est devenu philosophe, et cela, nous semble-t-il, dans la mesure où la philosophie n'est pas une science, un recueil de vérités objectives, mais une démarche ontologique et vécue, un mouvement vers l'Être, un discours sur l'insuffisance de tout discours. La philosophie n'est pas, pour Descartes, un ensemble d'idées, elle est une pensée ; son ordre véritable ne peut se confondre avec le système, il doit comprendre l'homme, le philosophe lui-même, qui, selon l'étymologie de son nom, aime la sagesse sans la posséder tout à fait, et ne peut donc la transmettre sous la forme d'un corps constitué de doctrine, mais seulement en demandant à chacun de méditer avec lui, de méditer longtemps, de méditer dans le temps, de revivre successivement les divers moments d'une histoire qui, à ce niveau, devient raison sans perdre cependant sa temporalité. […] Descartes n'est pas fils de philosophe, ni de la philosophie ; il découvre la philosophie par un mouvement propre, qui l'amène à rompre avec les habitudes de son entourage, les leçons de ses maîtres, les traditions de sa famille, son pays, le monde objectif lui-même. Et cette rupture, que reprend le doute, est l'être même de l'homme.

Ferdinand Alquié, L'ordre cartésien (1951)

Réponse d'Alquié à Gueroult (Notes sur l'interprétation de Descartes par l'ordre des raisons) : mise en garde contre la confusion entre “l'idée la plus simple de toutes” et “la condition de toute connaissance possible”.
“L'idée la plus simple de toutes” et “la condition de toute connaissance possible” se rencontrent bien : à l'infini.
Mais cette mise en garde contre leur confusion, et leur confusion dans “le cogito”, a-t-elle toujours été entendue, après Descartes ?

« les Méditations ne répondent pas seulement à la question logique que définit si bien M. Gueroult (fonder la certitude de fait que nous donnent les sciences sur une certitude de droit), mais à une exigence ontologique (fonder le système hypothético-déductif, qui constitue la science, sur l'Être). La position de ce problème nouveau rompt la série unilinéaire de toute chaîne de raisons, fait intervenir un autre plan, et restitue dans la totalité de ses dimensions la conscience de l'homme. Cette conscience ne saurait se reconnaître ni dans le psychologisme, ni dans le mathématisme entre lesquels M. Gueroult nous donne à choisir (I, 80). »

Réponse d'Alquié à Gueroult au Colloque de Royaumont sur Descartes de 1955 : « Toute ma thèse consiste dans l'affirmation que, avec Descartes, l'être n'est pas réductible au concept. »

Que signifie Descartes ? Méditer Descartes.
Descartes, en première personne.
Aller résolument droit. Méditation cartésienne de Descartes, vivant, sous l'historiographie.
Distinguer deux, et comprendre le sens qui va de deux à un
deux ordres cartésiens :
ordre logique des raisons (Gueroult)
et ordre temporel, vivant, métaphysique, de la pensée (Alquié)

question des sens de “l'a priori“, et “du transcendantal“ : transcendantaux convertibles avec l'être, transcatégoriques (médiéval) ; “conditions de possibilité a priori“ (kantien, nietzschéen) ; “transcendantal/empirique“ (“philosophie empiriste, philosophie rationaliste“, “philosophie analytique, phénoménologie“, et sens du “métaphysique“)
Lire ici Alquié, Une lecture cartésienne de la Critique de la raison pure est-elle possible ? (1975)
deux sens de l'ordre (prioritaire) :
priorité chronologique de connaissance (découverte)
et priorité logique de démonstration logique.
« L'ordre consiste en cela seulement, que les choses qui sont proposées les premières doivent être connues sans l'aide des suivantes, et que les suivantes doivent après être disposées de telle façon, qu'elles soient démontrées par les seules choses qui les précèdent. Et certainement j'ai tâché, autant que j'ai pu, de suivre cet ordre en mes Méditations. » (Réponses aux IIᵉ Objections)
deux méthodes de démonstration :
par l'analyse ou résolution, ordre de l'invention ou de la découverte logique de la vérité ;
par la synthèse ou composition, ordre de la compréhension ou de l'explication logique de la vérité
deux substances, et une union substantielle :
pensante et étendue
deux sens cartésiens du corporel
« ce mot de corps est fort équivoque » (à Mesland, 9.2.1645) :

au sens “substantiel“ et au sens de « ce qui peut affecter le corps » ? (à l'Hyperaspiste, août 1641)
Relire de près Marion, Sur la pensée passive de Descartes
deux sens de la substance, et un (l'union) :
substrat ? (substance étendue : substrat et attribut pensé)
et pensée (pensante)
Relire de près Marion, Sur la pensée passive de Descartes
deux réalités de l'idée :
objective et formelle
deux réalités objectives de l'idée :
infini et fini
deux arguments sur l'existence de Dieu :
par l'idée de l'infini (Méditation 3ᵉ) et par l'essence de Dieu (Méditation 5ᵉ)
deux sens ou modalités de l'existence, et un :
possible (fini, idée du triangle) et nécessaire (infini ou parfait, idée de dieu),
impossible (idée de la chimère ; ma propre inexistence)
trois sens de la distinction :
réelle (entre deux substances), modale (entre modes et substance), et formelle ou de raison raisonnée (entre attributs). « toutes trois néanmoins peuvent être appelées réelles »
(Lettre à un Révérend Père Jésuite, 1645-46, AT, IV, 348)
deux “ontologies” cartésiennes :
ens ut cogitatum et ens ut causatum (Marion)
ens ut demonstratum et ens ut potentia (Gress)
La “morale” de Descartes
« L'un des aspects de l'héritage que nous laisse Geneviève Rodis-Lewis pourrait s'exprimer par ces mots :
le cartésianisme comme manière de vivre »
(Kambouchner, Geneviève Rodis-Lewis et la sagesse cartésienne)



Douter
deux sens de la tromperie, moins et plus radicale :
involontaire (je me trompe, finitude de l'entendement), "actif" dit Marion ;
volontaire (il me trompe, imagination, volontaire, du Malin génie), "passif" dit Marion
deux sens de la pensée, moins et plus radicale :
impersonnelle ou logique (raisonnement, syllogisme, formel) ;
personnelle, pensante, en première personne
(je suis, j'existe, mais pas seulement, le doute déjà, l'infini aussi, et mon corps)

Descartes ajoute, à trois reprises : «à chaque fois» (quoties), «aussi longtemps» (quamdiu), «tant que» (dum) je pense.
Qu'est-ce que ça signifie ? cogitans, dubitans, intelligens, affirmans, negans, volens, nolens, imaginans quoque, et sentiens : tous participes présents.

Comment ?
par simple intuition de l'esprit, simplici mentis intuitu
Qu'est-ce que ça signifie ?
"performatif" (Hintikka), "en acte" dit Marion. Est-ce bien ce que dit Descartes, qui n'emploie pas le mot ?
Et est-ce actualité, actuellement ou activité, activement ?
Question décisive, pour le sens de la pensée en première personne et le sens de l'existence.

Voir Jaakko Hintikka, 'Cogito, ergo sum': Inference or Performance? (1962)
Id., Cogito, ergo quis est? (1996)
Id., René thinks, ergo Cartesius exists (2013 fr)
Kambouchner, Identification d'une pensée : le Cogito de Hintikka (2009) ✔︎
Hintikka, Response to Kambouchner (2009)

À l'arrière-plan, toute l'histoire pré-cartésienne de δύναμις à puissance (potentia), active, d'un agent
et de ἐνέργεια à actualité (actualitas) d'un acte (actus)…


Descartes, en première personne :
systématiquement en deux sens, contraires,
dont le sens positif et deuxième est systématiquement le plus radical
1ᵉ MÉDITATION
1) (1ᵉM) deux temps : Il y a déjà quelque temps/Maintenant
2) (1ᵉM) deux ???? : tout "une autre fois", iam ("jam tomorrow" de Lewis Carroll)/une fois en ma vie
3) (1ᵉM) deux attitudes à l'égard des opinions :
avoir reçu quantité de fausses opinions pour véritables/me défaire de toutes les opinions que j'avais reçues jusques alors en ma créance, détruite généralement toutes mes anciennes opinions
4) (1ᵉM) deux sens de la vérité : fort douteux et incertain/certain et indubitable
5) (1ᵉM) première des deux mises en doute des sens : 1ᵉ Méditation/6ᵉ Méditation
6) (1ᵉM-2ᵉ) deux sens du doute : non-hyperbolique/hyperbolique
MÉDITATION 2ᵉ
7) (M2ᵉ) deux sens de la tromperie : involontaire/volontaire
(je me trompe/il me trompe. Imagination, volontaire, du malin génie)
8) (M2ᵉ) deux sens de la pensée : impersonnelle/personnelle
(logique, raisonnement, inférence, syllogisme, formel)/(pensante, en première personne)
9) (M2ᵉ) deux sens de je pense (cogito) : non-identifiant/identifiant
(je suis, j'existe/Qui suis-je, moi qui suis ? res cogitans)
10) (M2ᵉ) deux sens (orientations) de la pensée personnelle : autre chose (cette cire, ces passants)/soi-même
MÉDITATION 3ᵉ
11) (M3ᵉ) premier des deux arguments sur l'existence de Dieu : par l'idée de l'infini (M3ᵉ)/par l'essence du parfait (M5ᵉ)
12) (M3ᵉ) deux réalités de l'idée : formelle/objective
Égalité des idées selon la réalité formelle : 𝒊𝑥 = 𝒊𝑦/Inégalité des idées selon la réalité objective : 𝒊𝑥 ≠ 𝒊𝑦.
13) (M3ᵉ) deux réalités objectives de l'idée : finie/infinie
14) (M3ᵉ) deux sens ou modalités de l'existence : non-nécessaire/nécessaire
(idée du triangle, mon existence/idée de Dieu, existence de Dieu)
(existence par un autre/causa sui)
(sens causal du possible : ce dont l'être nécessite une cause/sens causal du nécessaire : ce dont l'être ne nécessite pas de cause)
MÉDITATION 4ᵉ
15) (M4ᵉ) deux hypothèses sur la véracité divine : non-véracité/véracité divine
(imperfection/perfection)
16) (M4ᵉ) deux hypothèses sur la cause (ou raison formelle) de l'erreur : idée positive de Dieu/idée négative du néant
(imperfection/perfection)
17) (M4ᵉ) deux causes mises en cause et mises hors de cause de l'erreur : mon entendement/ma volonté
(ma puissance de connaître/ma puissance d'élire ou mon libre arbitre)
18) (M4ᵉ) deux extensions opposées de ma volonté et de mon entendement :
extension supérieure de ma volonté/extension inférieure de mon entendement
19) (M4ᵉ) deux usages de mon libre arbitre : mauvais/bon
MÉDITATION 5ᵉ
20) (M5ᵉ) ????
21) (M5ᵉ) deux genres d'idées : idée feinte ou factice d'une chose fictive/idée vraie d'une chose réelle
(dépendante de mon esprit/indépendante de mon esprit)
(idée de la Chimère ou de Pégase/idée de Dieu)
(sens logique de l'impossible : ce qui implique répugnance ou contradiction/sens logique du nécessaire : ce dont l'essence implique non-contradiction ou non-imperfection absolue)
22) (M5ᵉ) deuxième des deux arguments sur l'existence de dieu : par l'idée de l'infini (M3ᵉ)/par l'essence du parfait (M5ᵉ)
MÉDITATION 6ᵉ
23) (M6ᵉ) deux manières de penser : imagination/intellection ou conception
(non-nécessaire à l'essence de mon esprit/nécessaire à l'essence de mon esprit)
(esprit tourné vers le corps/esprit tourné vers soi-même)
24) (M6ᵉ) deux sens du corporel, deux corps : un (ou tous les autres) corps/mon corps
deux corps : un (sens générique ou non singulier) ou tous les autres corps/mon corps (singulier absolu, non générique)
implicitement : à la différence de la métaphysique, de l'Arbre de Porphyre
« ce mot de corps est fort équivoque » (à Mesland, 9.2.1645)
25) (M6ᵉ) deux sens de la pensée "du" corps ou du corps pensé : imagination/sentir
nature corporelle qui est l'objet de la géométrie/nature corporelle qui est, en première personne, pensée-sensible, en philosophie première ?

deux enjeux : enjeu explicite : «preuve de l'existence des choses corporelles»
enjeu non explicite : mise en doute (hyperbolique, encore) du sens de l'existence et de la nature des corps/du sens de l'existence et de la nature du corps absolument unique de la chose pensante
26) (M6ᵉ) deux sensibles (corporels ?) : mes membres sensibles/mes sentiments charnels
27) (M6ᵉ) deux capacités sensibles de mon corps parmi les corps :
sentiment de recevoir diverses commodités/sentiment de recevoir diverses incommodités
28) (M6ᵉ) deux sentiments de mon corps parmi les corps :
sentiment de plaisir ou de volupté/sentiment de douleur
29) (M6ᵉ) deux formes de sensibilité supplémentaires : appétits/passions
(faim, soif, etc./joie, tristesse, colère, etc.)
30) (M6ᵉ) deux qualités sensibles des corps autres ou extérieurs au mien :
extension, figures et mouvements/dureté, chaleur, et autres qualités sensibles tangibles ou tactiles
31) (M6ᵉ) les 4 autres sens du sensible : le visible (deux : les couleurs/la lumière), les odeurs, les saveurs, les sons
deux sens du sensible et de la pensée sentante : non tangible/tangible
32) (M6ᵉ) deux sens des sens : sens extérieurs/sens intérieurs ou intimes
33) (M6ᵉ) deux genres d'idées : idées des corps d'où procèdent ces idées des qualités sensibles/autres idées
34) (M6ᵉ) deux raisons de croire sentir des choses vraies et entièrement différentes de ma pensée :
1) présentation à ma pensée sans que mon consentement soit requis
2) nécessaire présence de la chose sensible à l'organe d'un de mes sens,
et impossible de ne pas sentir en présence de la chose sensible
35) (M6ᵉ) deux genres d'idées : idées sensibles/idées fictives ou souvenir,
contraires sous 3 rapports :
vivacité, caractère express et distinction à leur façon supérieures des idées sensibles,
a contrario vivacité, caractère express et distinction inférieures des idées fictives, ou du souvenir
36) (M6ᵉ) deux espèces (ou genres ?) d'idées : idées de la raison ou idées rationnelles/idée des sens ou idées sensibles,
contraires sous 3 rapports :

1) − expresses/+ expresses
2) formées de moi-même/ non formées de moi-même
3) le plus souvent composées de parties d'idées sensibles/le plus souvent composantes des idées de la raison
37) (M6ᵉ) deux sens du corporel, deux corps (pour la seconde fois) :
appartenance − propre et − étroite de tout autre corps/appartenance + propre et + étroite de mon corps propre,
contraires sous 3 rapports :

1) séparabilité possible d'avec tout autre corps/inséparabilité nécessaire d'avec mon propre corps
2) caractère sensible extrinsèque de tout autre corps/caractère sensible intime, interne de tous mes appétits et de toutes mes affections dans et pour mon corps
3) je ne suis pas touché des sentiments de plaisir et de douleur dans les parties d'aucun des autres corps,
a contrario je suis touché des sentiments de plaisir et de douleur dans les parties de mon corps propre
38) (M6ᵉ) deux ordres sensibles, «sans aucun rapport rationnel (au moins que je puisse comprendre)»,
mais institués de nature : sentiment/passion ; émotion/appétit ou désir
comment du sentiment de douleur naît la pensée de tristesse ?
comment du sentiment de plaisir naît la joie ?
comment de la faim («émotion de l'estomac») naît l'appétit de manger ?
comment de la sécheresse du gosier naît le désir de boire ?
39) (M6ᵉ) ????
40) (M6ᵉ) ????
41) (M6ᵉ) ????
42) (M6ᵉ) ????
43) (M6ᵉ) ????
44) (M6ᵉ) ????
45) (M6ᵉ) deux autres enjeux : enjeu explicite : «preuve de la réelle distinction entre l'âme et le corps de l'homme»
enjeu non explicite : mise en doute (hyperbolique, encore) du sens de la distinction, et de l'union, entre la pensée et son "corps" en première personne absolument unique ?
46) (M6ᵉ) ????

Les deux substances (étendue, non-pensante/pensante), les deux sens de la substance (substrat, pensé/pensante), et les deux sens du corporel (« ce mot de corps est fort équivoque », à Mesland, 9.2.1645) sont-ils des cas supplémentaires qui vérifient eux aussi cette même structure systématique ?

Descartes (Méditation 6ᵉ) distingue non seulement :
deux corps : un (sens générique ou non singulier) ou tous les autres corps/mon corps (singulier absolu, non générique)
deux sens du corporel : inséparé/séparé (appartenance − propre et − étroite de tout autre corps/appartenance + propre et + étroite de mon corps propre)
mais aussi :
deux liens (contraires) entre les corps : non charnel, insensible, non réflexif ou non spirituel/charnel, sensible, pensant (partie de la substance étendue/???? du corps unique de la pensée ou de la chose pensante-sentante
deux corps, au sens de : corps qui sont hors de moi/corps qui n'est pas hors de moi, autrement dit : corps non en eux-mêmes et non pour eux-mêmes/corps en soi-même et pour soi-même

deux ordres : ordre non naturel/ordre de la nature («j'ai accoutumé de 1) pervertir et 2) confondre l'ordre de la nature»)

La Méditation 6ᵉ montre vraiment combien la philosophie première cartésienne procède complètement à rebours de la métaphysique, qui s’élève de bas en haut de l’Arbre de Porphyre. Descartes descend, de plus en plus profondément, dans les deux sens du corporel et du sensible.

Même opération analogue dans les Méditations 1-2ᵉ, 3ᵉ et 6ᵉ : Descartes cherche, et trouve, dans les trois cas, quelque chose d'absolument unique : moi, l'idée de l'infini, mon corps.


Mi-vie. Nouvelle profondeur. Nouveau commencement de la vie. Plus vraie, plus questionante. Nous commençons à sentir qu'il y a plus en nous. Bien plus, de vie, de désir. Les anciennes façons de “vivre”, d'être, de penser, ne nous satisfont plus, elles ne sont plus la nôtre.
Sens de Descartes pour nous.


La philosophie est l'affaire toute personnelle de celui qui philosophe.
commencer dans le dénuement absolu, complet.
Modèle des méditations auxquelles doit se livrer le philosophe débutant.
Retour, devenir, renaissance du philosophe à soi-même, et soi-même comme question vivante.
Implique et signifie, simultanément, mise en question radicale, d'absolument tout.

Question cartésienne : Que signifie questionnement philosophique à l'état pur, doute radical (ou même ἐποχή) ?
Que signifie questionner, à l'état pur ? La question de l'être se pose-t-elle sans rien présupposer, pas même un seul (ou deux) sens de "être" ? S'agit-il précisément de découvrir que non ?
Découverte que questionner renvoie, au moins et avant tout, à moi-même et à mon être.
Découverte que la dimension logique de la pensée (la question, en tant que telle) débouche en dernière analyse et en premier lieu dans l'être et la philosophie première. La philosophie première excède la logique, et est première.


a) Dans le doute :
Si le doute est analysé, en troisième personne, l'analyse est naïve et n'est pas fidèle au doute, qui est effectué en première personne.
Si je doute en première personne, puis-je interroger le doute de manière critique ?

En un sens, le doute (en première personne) signifie que toute analyse logique est naïve, qu'elle s'ignore elle-même en tant qu'analyse logique, qui suppose toujours un être, irréductible à toute analyse logique, et qu'elle ne peut tirer l'échelle à soi, et se clore sur soi.

La seconde question est mal posée. Il ne s'agit pas de commencer par "interroger le doute de manière critique". Il s'agit de commencer par chercher à comprendre le sens du doute.

Tout philosophe ne dit-il pas les choses autrement que le philosophe qu'il explique ?, se demande Alquié.
Ce doute est le doute. Alquié dit "le commentateur" et "l'auteur". Il faut que le "commentateur" devienne, et reste, philosophe (questionnement), et que "l'auteur" redevienne et reste philosophe (questionnement). On ne peut comprendre un philosophe sans devenir soi-même un philosophe (Alquié, Qu'est-ce que comprendre un philosophe ?). Et sans que l'autre philosophe redevienne philosophe, question.


b) Descartes–Husserl : aller et retour
Husserl comprend le doute comme négation (jugement), et pense radicaliser le doute par l’ἐποχή, comme suspension du jugement.
Mais la 1ᵉ Méditation signifie que Descartes conditionne la radicalité du doute à la volonté plutôt qu’à l’entendement (jugement) et, étonnamment, à l’imagination (fiction ou hypothèse du malin génie).

Sur la volonté :
Qu'est-ce qui précède ou conditionne la volonté (de douter) ? Que signifie volonté de douter ? Volonté de vérité (Nietzsche) ?

Sur l'imagination :
Puis-je imaginer plus radical qu'une fiction ou hypothèse ?
Puis-je imaginer une fiction ou hypothèse plus radicale que celle du malin génie ?

Le premier paragraphe de la 1ᵉ Méditation commence par dire que la radicalité du doute est, avant tout, conditionnée par… l’attente et l’arrivée d’un âge ultime et suprême (du philosophe, de la vie philosophique).


c) Le doute comme quête de la limite minimale à l'hypothèse de l'anéantissement total, et sa rencontre dans l'impossibilité de «n'être rien» :
Est-ce « n'être rien » premier sens minimal, contradictoire, de « être » ?
Ou est-ce, au contraire, « être, exister » qui est le premier sens (à l'instar de la primauté de l'infini sur le fini) ?

Qu'est-ce que ça signifie ? Non pas "n'être rien" ou "le néant" comme premiers concepts logiques. Sa question est : y a-t-il une limite minimale absolue à l'hypothèse de l'anéantissement total ? Y a-t-il une limite minimale absolue à l'hypothèse « Rien n’est » ou « Il n’y a rien » ?


d) Que signifie "commencer", "primauté", "primat", "première" ? Pourquoi ? Et qu'est-ce qui l'est (en philosophie première) ?
Marion (Sur le prisme métaphysique de Descartes, p. 39-40 : « La primauté ressortit à l'ordre de la connaissance, telle qu'elle détermine la manière cartésienne de philosopher. Selon l'ordre de la connaissance, la connaissance a une priorité absolue […] plus exactement, la primauté qualifie toutes les pensées, pourvu qu'elles suivent l'ordre même de la pensée à l'œuvre […] ; une chose en précède une autre (et confirme ainsi la nouvelle définition de la primauté) quand, et seulement quand elle en rend la connaissance possible. » (je souligne)

Primauté de la philosophie première comme "science des principes" (au pluriel), « des principes de la connaissance ».
« il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c'est-à-dire des principes ».


e) Changement de sens (signification, orientation et sensibilité) de la "métaphysique", et philosophie première :
"Métaphysique", au sens pré-cartésien (d'origine aristotélicienne) : science (non restreinte) supra-physique et supra-mathématique du supra-naturel ou sur-naturel, c'est-à-dire science de Dieu, de l'âme et de l'être (et des transcendantaux convertibles avec l'être).
Arbre de Porphyre (Εἰσαγωγή aux Catégories d'Aristote), dont la Logique est l'âme et dont la cîme est la Métaphysique.
Sens de la vie philosophique : ascension, élévation spirituelle, correspondant à la transcendance réelle du sujet de la métaphysique à l'égard du mouvement, de la matérialité, et du temps.
"Philosophie première" (Méditations de) au sens cartésien : science des premières causes, c'est-à-dire des principes.
Arbre cartésien de la Philosophie, « dont les racines sont la Métaphysique [au nouveau sens de philosophie première ou distincte d'elle ?], le tronc est la Physique » et dont la cîme est la Morale, « j’entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui, présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse » (Principes de la philosophie). Quelle est l'âme de l'arbre cartésien ?
Sens de la vie philosophique : approfondissement, infra-physique et infra-géométrique, de l'enracinement ou des racines philosophiques premières, et élévation morale ?

Marion (Prisme, p. 34) : L'originalité des Meditationes tient à ceci, qu'elles ne sont pas Metaphysicae.

Descartes pense sa philosophie première comme préalable à toute "métaphysique", ou redéfinit la "métaphysique" comme philosophie première au sens cartésien.


f) Descartes–Hegel
Hegel, Science de la Logique
Robert B. Pippin, Hegel's Realm of Shadows: Logic as Metaphysics in The Science of Logic (1998)
Gregory S. Moss, Hegel’s Foundation Free Metaphysics: The Logic of Singularity (2020). Review
Jacob McNulty, Hegel's Logic and Metaphysics (2023). Rechercher occurrences "Descartes", "infinite".
Problème des fondements de "la" Logique : Logique d'antan (présupposant les présupposés métaphysiques de la première (et seconde ?) scolastique), et nouvelle "Logique". Irrationalité de la logique d'antan, et nouveau sens du sens ou de la pensée.
Relire Massimilliano Savini, Johannes Clauberg : Methodus cartesiana et ontologie
Le problème du rapport de primauté entre logique et métaphysique est déjà une quaestio de la littérature scolastique de la première moitié du XVIIᵉ (Goclenius, Georg Gutke, Clauberg).
Risse, Die Logik der Neuzeit

«Only with a concept that vouchsafes its own instantiation, such as the I-concept of Descartes’ Cogito or the God of his ontological argument, can we derive a complete table of the categories.» (McNulty, Hegel's Logic and Metaphysic, xiv)

« Le commencement est l'être pur » : ? Il importe que Hegel commence par "l'être pur" plutôt que "le néant pur".
« L'être est le néant » : l'être est l'infini (aucun étant, rien d'étant, de fini) ; "différence ontologique"
« Le néant est l'être » : ? en ce sens, cependant, quoi ?
« L'être et le néant sont le même » : l'être est le devenir. Le commencement est le devenir.

L'infini
Or je dis que la notion que j'ai de l'infini est en moi avant celle du fini, pour ce que, de cela seul que je conçois l'être ou ce qui est, sans penser s'il est fini ou infini, c'est l'être infini que je conçois ; mais, afin que je puisse concevoir un être fini, il faut que je retranche quelque chose de cette notion générale de l'être, laquelle doit par conséquent précéder.
Lettre de Descartes à Clerselier du 23 avril 1649, AT, V, 356
Comment la pensée de l'infini diffère-t-elle entre Descartes et Hegel ?


g) Descartes–Bergson : aller et retour
Notes sur le Descartes de Bergson.

Quand Bergson se met à parler de Descartes, j'attends qu'il en parle autrement que rétrospectivement. Le fait-il en 1933 dans La philosophie française ? Tout au contraire. Vraiment étonnant.
Bergson commence par dire ouvertement qu'il ne fera pas d'analyse de Descartes, parce qu'elle irait à l'infini. (Et bien, ne serait-ce pas justement aller droit à… l'intuition philosophique de Descartes : l'infini ?).
On s'attend donc à ce qu'il en cherche l'intuition philosophique. Mais est-ce ce qu'il fait ? Bergson dit alors cette chose stupéfiante de sa part : « Mais de même que l'anatomiste fait dans un organe ou dans un tissu une série de coupes qu'il étudie tout à tour, ainsi nous allons couper l'œuvre de Descartes par des plans parallèles situés les uns au-dessous des autres, pour obtenir d'elle, successivement, des vues de plus en plus profondes. »
N'est-ce pas le contraire même de la façon bergsonienne de penser et d'entrer dans le vivant !?

Cinq coupes anatomiques parallèles de Bergson dans Descartes,
de la plus superficielle aux plus profondes
La philosophie française, 1933
philosophie des idées « claires et distinctes »
ne plus admettre d'autre marque de la vérité que l'évidence
théorie de la méthode
théorie générale de la nature
théorie de l'esprit, ou de la pensée :
un effort pour résoudre la pensée en éléments simples ;
surtout : l'idée que la pensée existe d'abord
au fond de la théorie cartésienne de la pensée,
il y a un nouvel effort
pour ramener la pensée, au moins partiellement, à la volonté

Bergson reprend l'historiographie philosophique des "frères ennemis" ou "pères ennemis" de "l'esprit moderne" (Descartes et Pascal), il ne la critique pas. Étonnant, à nouveau.




Projets de lectures :
Vrai titre et sous-titre original : Metaphysical Animals: How Four Women Brought Philosophy Back to Life


Clare Mac Cumhaill and Rachael Wiseman discuss Metaphysical Animals: How Four Women Brought Philosophy Back to Life
Benjamin Lipscomb, The Women Are Up to Something: How Elizabeth Anscombe, Philippa Foot, Mary Midgley and Iris Murdoch Revolutionized Ethics
Simone de Beauvoir, La cérémonie des adieux, suivi des Entretiens avec Jean-Paul Sartre, août-septembre 1974
Iris Murdoch, Sartre. Un rationaliste romantique
Pierre Hadot, Wittgenstein et les limites du langage

Hans Blumenberg, La Vérité nue

Baptiste Morizot, L'inexploré

Julien d'Huy, Cosmogonies. La Préhistoire des mythes
Jean-Loïc Le Quellec, Avant nous le Déluge ! L'humanité et ses mythes
Id., La caverne originelle. Art, mythes et premières humanités

Sandra Laugier, Recommencer la philosophie. Stanley Cavell et la philosophie en Amérique
Jean Wahl, Les Philosophies pluralistes d'Angleterre et d'Amérique

Ángel Garrido, Urszula Wybraniec-Skardowska (ed.), The Lvov-Warsaw School. Past and Present
Jan Woleński, L'École de Lvov-Varsovie. Philosophie et logique en Pologne (1895-1939)

Gillian Russell, Barriers to Entailment: Hume's Law and Other Limits on Logical Consequence

Pierrot Seban, Le temps et l'infini. Sur les paradoxes de Zénon

Musique :
Synthwave

Courses historiques, en première personne :
GPLaps: Classic Racing Sims, Vintage Racing, History, Reviews and more!
Ted Meat. A Let's Play channel focusing on retro racing sims: Grand Prix, IndyCar Racing
GPLRACER is a Grand Prix Legends Mods Online Racing League
THRacing is a community of racers, which race vintage cars on historic tracks in Assetto Corsa Grand Prix Legends Mod (1967 F1 cars)
Grand Prix Legends, Grand Prix 2, 4
F1 2010, 2013, 2019, 2020, 2021, 2023
Test Drive: Ferrari Racing Legends
Need For Speed: The Run, Shift, Shift 2, 2015, Payback, Heat, Unbound
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